Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/177

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Vers la fin du dix-septième siècle, huit ou neuf cents de ces pauvres proscrits pour cause de religion, de ces infortunés Vaudois des vallées du Piémont, — dont la race était persécutée depuis si longtemps par les ducs de Savoie et les rois de France, livrée aux inquisiteurs, brûlée juridiquement, traquée, massacrée, emprisonnée ou exilée au mépris de toutes les lois divines et humaines, huit ou neuf cents Vaudois, dis-je, faisant leur troisième tentative pour regagner leurs chères montagnes et en chasser ceux qui les en avaient dépossédés, se réunirent de diverses parties de la Suisse et de l’Allemagne dans la forêt du Bois de Nyon et de la bergerie de Prangins (le lieu était propice pour se tenir caché, ils pouvaient facilement se procurer des vivres, soit de Rolle, soit de Nyon, traverser le lac, resserré dans ces parages, et débarquer inopinément dans la Savoie qu’il leur fallait traverser). Mais cette réunion ne fut pas ignorée des autres Vaudois, de ceux du Pays-de-Vaud, et bien des gens vinrent voir leurs assemblées et les préparatifs de l’expédition téméraire et aventureuse qu’ils allaient entreprendre. Le soir du vendredi 16 juin 1689, M. Arnaud (ou de La Tour), qui était à la fois pasteur et colonel de ces exilés évangéliques, fit la prière solennelle et l’on s’embarqua entre neuf et dix heures sur quatorze barques mises à réquisition. M. de Prangins, qui était venu par curiosité entendre cette oraison évan-