Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/290

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coller l’oreille et l’œil au trou de la serrure des tavernes où les libertins se réunissaient pour déblatérer contre les ministres et leurs ordonnances, les tourner en dérision, aviser aux moyens de chasser ces théocrates, chanter, boire et déviser jovialement. Il y en avait qui donnaient à leurs chiens le nom du Réformateur, celui-ci s’en vengeait en les appelant du haut de la chaire balaufres, goinfres et paillards. Les délateurs se glissaient partout, et les personnes qu’ils dénonçaient étaient condamnées, pour peu que leurs discours eussent été irrévérencieux sur le compte de maître Jean Calvin, à faire amende honorable, tête nue, à l’hôtel-de-ville et dans les carrefours.

Cependant le peuple s’irrita de cette tyrannie sous prétexte d’évangile, il y eut une sédition accompagnée de cris et de tumulte ; Calvin tint bon et préféra quitter la ville que de se relâcher de sa rigueur. Il se retira à Strasbourg où il demeura jusqu’au moment de son rappel.

Le protestantisme, c’est la liberté d’examen et de discussion en matières religieuses et théologiques ; on ne comprend donc pas que Calvin, qui avait proclamé cette liberté et rompu avec la tradition catholique, qui gémissait des persécutions subies en France par ses coreligionnaires, ait pu persécuter, mettre à mort avec la dernière barbarie un homme qui s’était permis d’é-