d’indifférence, de haine, de malice, de bonhomie et de gaîté, Bonnivard me semble allier tous les contraires. Le plus souvent seul parmi les hommes, tout se peuplait, tout s’animait autour de lui quand il rentrait à son foyer, C’était un monde à lui. Là sa Bible, là son Horace et ses anciens, là les matériaux qu’il avait recueillis sur Genève et sur ses antiquités. Puis tout ce qu’une mémoire facile lui prodiguait de souvenirs, tout ce qu’une imagination féconde lui prêtait d’harmonies et lui versait de couleurs, c’était un monde de vieilles et de nouvelles aventures, souvent d’ingénieuses rêveries, souvent aussi de nobles pensées et de pures consolations. Avec cela vraie nature de poëte ; pourvu qu’il raconte et qu’il chante, il lui suffit. Il ne sait pas finir quand il parle de lui-même, moins encore quand il parle de Genève. Du restant et surtout de son bien et de son revenu, Bonnivard ne se soucie ; Dieu et Genève y pourvoiront..... »
En 1519 le duc de Savoie étant parvenu à force d’intrigues à détacher Genève de l’alliance de Fribourg, obtint des Genevois qu’ils lui ouvriraient leurs portes, — malgré l’opposition éclairée de Bonnivard ; — celui-ci pensa que dans ces conjonctures le parti le plus prudent qu’il pût prendre était celui de la fuite : « Je voulus, écrit-il, être un peu plus sage que les autres, et m’adressai à un gentilhomme du Pays-de-Vaud, nommé