Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/477

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Pendant ce temps-là Bonnivard traînait sa chaîne dans la crypte ; durant les premières années de cette horrible réclusion il essaya de chanter pour dissiper ses ennuis rongeurs, ses souvenirs dévorants, ses longues impatiences, mais « le chant sous ces voûtes prend quelque chose d’effrayant, et sa voix lui revenait avec un accompagnement sourd et caverneux, alors il a appelé à son secours son grand savoir[1], » il a évoqué ses souvenirs, il a peuplé son cachot d’êtres imaginaires, il ne voit que par les yeux de sa pensée surexcitée, il dort, il rêve, il compose prose et vers, il se fait un entourage fantastique et les jours s’envolent.

« Vis-à-vis d’une des colonnes est un soupirail par lequel entre en hésitant un rayon attristé de lumière, la lueur incertaine semble reculer en pénétrant dans ce vaste tombeau... Quelquefois le lac s’irrite, s’enfle et frappe en mugissant les murs du château ; alors la lumière tremblante qui y pénétrait s’enfuit comme épouvantée, et les eaux entrant par la crevasse du rocher viennent jeter leur écume jusqu’aux pieds de Bonnivard. Pour lui, tranquille, il les regarde faire, heureux encore si la tempête ne lui arrivait que du dehors, et s’il savait considérer toujours avec le même calme les mouvements tumultueux qui se soulèvent et se pressent dans son cœur[1]. »

  1. a et b L. Vulliemin