Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/480

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chir le seuil de la prison, il s’est retourné, et que son regard humide a adressé un long adieu à tout ce qu’il laissait. Il semblait un homme qui quitte le toit paternel, tant une longue habitude lui avait fait de ces rochers un foyer et une patrie. Il avait fait amitié avec les ombres, tandis que la lumière vive et éclatante du jour blessait ses yeux désaccoutumés de la clarté.

« Les enfants de Genève non plus ne pouvaient s’arracher à la vue du souterrain, de cette architecture, mélange unique de grâce et d’effrayante majesté, de ces voûtes mystérieuses qui, pendant des siècles, ont été l’objet de tant de terreur. Ils ne pouvaient surtout quitter la vue du lieu où reposait Bonnivard. On n’en approchera plus que comme d’un lieu sacré. Que si jamais, par la colère du ciel, les flammes de la liberté s’éteignaient sur tes rivages, ô Léman ! elles brûleraient encore ici, et l’on verrait tes jeunes hommes venir à cet autel en rallumer le flambeau : le flambeau d’une liberté sage, l’amie des lettres, noble, pure et chrétienne. Il suffira à l’avenir de montrer Chillon pour en raviver l’amour dans les cœurs. L’étranger lui-même viendra de loin amarrer sa nacelle à ces rivages ; il cherchera, le front baissé, les traces des pas du martyr, et demandera à ces voûtes des inspirations d’amour et de liberté.

« À ses yeux, la liberté sous ces ombres paraîtra