— Ah ! qui aime bien châtie bien, monsieur : ah ! le plomb ! il ne faut pas dire du mal du plomb ; qui est-ce qui…
Tout en s’occupant de lier la jambe de Cinq-Mars au-dessous du genou, le bonhomme allait commencer l’apologie du plomb aussi sottement qu’il avait fait celle du cheval, quand il fut forcé, ainsi que son maître, de prêter l’oreille à une dispute vive et bruyante entre plusieurs soldats suisses restés très-près d’eux après le départ de toutes les troupes ; ils se parlaient en gesticulant beaucoup, et semblaient s’occuper de deux hommes que l’on voyait au milieu de trente soldats environ.
D’Effiat, tendant toujours son pied à son domestique et appuyé sur la selle de son cheval, chercha, en écoutant attentivement, à comprendre leurs paroles ; mais il ignorait absolument l’allemand, et ne put rien deviner de leur querelle. Grandchamp tenait toujours sa botte et écoutait aussi très-sérieusement, et tout à coup se mit à rire de tout son cœur, se tenant les côtés, ce qu’on ne lui avait jamais vu faire.
— Ah ! ah ! monsieur, voilà deux sergents qui se disputent pour savoir lequel on doit pendre des deux Espagnols qui sont là ; car vos camarades rouges ne se sont pas donné la peine de le dire ; l’un de ces Suisses prétend que c’est l’officier ; l’autre assure que c’est le soldat, et voilà un troisième qui vient de les mettre d’accord.
— Et qu’a-t-il dit ?
— Il a dit de les pendre tous les deux.
— Doucement ! doucement ! s’écria Cinq-Mars en faisant des efforts pour marcher.
Mais il ne put s’appuyer sur sa jambe.
— Mets-moi à cheval, Grandchamp.
— Monsieur, vous n’y pensez pas, votre blessure…
— Fais ce que je te dis, et montes-y toi-même ensuite.