Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/226

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duisez pas mal, sire Olivier d’Entraigues ? vous serez dans nos hommes illustres, si nous trouvons un Plutarque. Tout est bien organisé, vous arrivez à point ; ni plus tôt, ni plus tard, comme un vrai chef de parti. Fontrailles, ce jeune homme ira loin, je vous le prédis. Mais dépêchons-nous ; il nous viendra dans deux heures des paroissiens de mon oncle l’archevêque de Paris ; je les ai bien échauffés, et ils crieront : Vive Monsieur ! vive la Régence ! et plus de Cardinal ! comme des enragés. Ce sont de bonnes dévotes, tout à moi, qui leur ont monté la tête. Le Roi est fort mal. Oh ! tout va bien, très-bien. Je viens de Saint-Germain ; j’ai vu l’ami Cinq-Mars ; il est bon, très-bon, toujours ferme comme un roc. Ah ! voilà ce que j’appelle un homme ! Comme il les a joués avec son air mélancolique et insouciant ! Il est le maître de la cour à présent. C’est fini, le roi va, dit-on, le faire duc et pair ; il en est fortement question ; mais il hésite encore : il faut décider cela par notre mouvement de ce soir : le vœu du peuple ! il faut faire le vœu du peuple absolument ; nous allons le faire entendre. Ce sera la mort de Richelieu, savez-vous ? Surtout c’est la haine pour lui qui doit dominer dans les cris, car c’est là l’essentiel. Cela décidera enfin notre Gaston, qui flotte toujours, n’est-ce pas ?

— Eh ! que peut-il faire autre chose ? dit Fontrailles ; s’il prenait une résolution aujourd’hui en notre faveur, ce serait bien fâcheux.

— Et pourquoi ?

— Parce que nous serions bien sûrs que demain, au jour, il serait contre.

— N’importe, reprit l’abbé, la reine a de la tête.

— Et du cœur aussi, dit Olivier ; cela me donne de l’espoir pour Cinq-Mars, qui me semble avoir osé faire le boudeur quelquefois en la regardant.

— Enfant que vous êtes ! que vous connaissez encore