Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/298

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peut pas faire de tort ; d’ailleurs, il y va des hommes de la cour, tels que le duc de Bouillon, M. d’Aubijoux, le comte de Brion, le cardinal de La Valette, MM. de Montrésor, Fontrailles ; et des hommes illustres dans les sciences, comme Mairet, Colletet, Desmarets, auteur de l’Ariane ; Faret, Doujat, Charpentier, qui a écrit la belle Cyropédie ; Giry, Bessons et Baro, continuateur de l’Astrée, tous académiciens.

— Ah ! à la bonne heure, voilà des hommes d’un vrai mérite, reprit Louis ; à cela il n’y a rien à dire ; on ne peut que gagner. Ce sont des réputations faites, des hommes de poids. Çà ! raccommodons-nous, touchez là, enfant. Je vous permettrai d’y aller quelquefois, mais ne me trompez plus ; vous voyez que je sais tout. Regardez ceci.

En disant ces mots, le Roi tira d’un coffre de fer, placé contre le mur, d’énormes cahiers de papier barbouillé d’une écriture très-fine. Sur l’un était écrit Baradas, sur l’autre, d’Hautefort, sur un troisième, La Fayette, et enfin Cinq-Mars. Il s’arrêta à celui-là, et poursuivit :

— Voyez combien de fois vous m’avez trompé ! Ce sont des fautes continuelles dont j’ai tenu registre moi-même depuis deux ans que je vous connais ; j’ai écrit jour par jour toutes nos conversations. Asseyez-vous.

Cinq-Mars s’assit en soupirant, et eut la patience d’écouter pendant deux longues heures un abrégé de ce que son maître avait eu la patience d’écrire pendant deux années. Il mit plusieurs fois sa main devant sa bouche durant la lecture ; ce que nous ferions tous certainement s’il fallait rapporter ces dialogues, que l’on trouva parfaitement en ordre à la mort du Roi, à côté de son testament. Nous dirons seulement qu’il finit ainsi :

— Enfin, voici ce que vous avez fait le 7 décembre, il y a trois jours : je vous parlais du vol de l’émerillon et