Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/350

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et Richelieu est au milieu d’elles ! Il chancelle, il ne faut plus qu’un seul coup pour le renverser, et vous êtes à moi pour toujours, à Cinq-Mars triomphant !

— À Cinq-Mars rebelle, dit-elle en gémissant.

— Eh bien, oui, rebelle, mais non plus favori ! Rebelle, criminel, digne de l’échafaud, je le sais ! s’écria ce jeune homme passionné en retombant à genoux : mais rebelle par amour, rebelle pour vous, que mon épée va conquérir enfin tout entière.

— Hélas ! l’épée que l’on trempe dans le sang des siens n’est-elle pas un poignard ?

— Arrêtez, par pitié, Marie ! Que des rois m’abandonnent, que des guerriers me délaissent, j’en serai plus ferme encore ; mais je serai vaincu par un mot de vous, et encore une fois le temps de réfléchir est passé pour moi ; oui, je suis criminel, c’est pourquoi j’hésite à me croire encore digne de vous. Abandonnez-moi, Marie, reprenez cet anneau.

— Je ne le puis, dit-elle, car je suis votre femme, quel que vous soyez.

— Vous l’entendez, mon père, dit Cinq-Mars, transporté de bonheur ; bénissez cette seconde union, c’est celle du dévouement, plus belle encore que celle de l’amour. Qu’elle soit à moi tant que je vivrai !

Sans répondre, l’abbé ouvrit la porte du confessionnal, sortit brusquement, et fut hors de l’église avant que Cinq-Mars eût le temps de se lever pour le suivre.

— Où allez-vous ? qu’avez-vous ? s’écria-t-il.

Mais personne ne paraissait et ne se faisait entendre.

— Ne criez pas, au nom du ciel ! dit Marie, ou je suis perdue ! il a sans doute entendu quelqu’un dans l’église.

Mais, troublé et sans lui répondre, d’Effiat, s’élança sous les arcades et cherchant en vain son gouvernement, courut à une porte qu’il trouva fermée ; tirant son épée,