Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/351

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il fit le tour de l’église, et, arrivant à l’entrée que devait garder Grandchamp, il l’appela et écouta.

— Lâchez-le à présent, dit une voix au coin de la rue.

Et des chevaux partirent au galop.

— Grandchamp, répondras-tu ? cria Cinq-Mars.

— À mon secours, Henry, mon cher enfant ! répondit la voix de l’abbé Quillet.

— Eh ! d’où venez-vous donc ? Vous m’exposez ! dit le grand Écuyer s’approchant de lui.

Mais il s’aperçut que son pauvre gouverneur, sans chapeau, sous la neige qui tombait, n’était pas en état de lui répondre.

— Ils m’ont arrêté, dépouillé, criait-il, les scélérats ! les assassins ! ils m’ont empêché d’appeler, ils m’ont serré les lèvres avec un mouchoir.

À ce bruit Grandchamp survint enfin, se frottant les yeux comme un homme qui se réveille. Laura, épouvantée, courut dans l’église près de sa maîtresse ; tous rentrèrent précipitamment pour rassurer Marie, et entourèrent le vieil abbé.

— Les scélérats ! ils m’ont attaché les mains comme vous voyez, ils étaient plus de vingt ; ils m’ont pris la clef de cette porte de l’église.

— Quoi ! tout à l’heure ? dit Cinq-Mars ; et pourquoi nous quittez-vous ?

— Vous quitter ! Il y a plus de deux heures qu’ils me tiennent !

— Deux heures ! s’écria Henry effrayé.

— Ah ! malheureux vieillard que je suis ! cria Grandchamp, j’ai dormi pendant le danger de mon maître ! c’est la première fois !

— Vous n’étiez donc pas avec nous dans le confessionnal ? poursuivit Cinq-Mars avec anxiété, tandis que Marie tremblante se pressait contre son bras.