Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/379

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les abandons voluptueux et involontaires, ne peuvent être trop tôt épurés par les publiques bénédictions. Il avait compris ce supplice impossible à supporter plus longtemps d’un amant, maître adoré de cette jeune personne, et qui chaque jour était condamné à paraître devant elle en étranger et à recevoir les confidences politiques des mariages que l’on préparait pour elle. Le jour où il avait reçu son entière confession, il avait tout tenté pour empêcher Cinq-Mars d’aller dans ses projets jusqu’à l’alliance étrangère. Il avait évoqué les plus graves souvenirs et les meilleurs sentiments, sans autre résultat que de rendre plus rude vis-à-vis de lui la résolution invincible de son ami. Cinq-Mars, on s’en souvient, lui avait dit durement : Eh ! vous ai-je prié de prendre part à la conjuration ? et lui, il n’avait voulu promettre que de ne pas le dénoncer, et il avait rassemblé toutes ses forces contre l’amitié pour dire : N’attendez rien de plus de ma part si vous signez ce traité. Cependant Cinq-Mars avait signé le traité ; et de Thou était encore là, près de lui.

L’habitude de discuter familièrement les projets de son ami les lui avait peut-être rendus moins odieux ; son mépris pour les vices du Cardinal-Duc, son indignation de l’asservissement des Parlements, auxquels tenait sa famille, et de la corruption de la justice ; les noms puissants et surtout les nobles caractères des personnages qui dirigeaient l’entreprise, tout avait contribué à adoucir sa première et douloureuse impression. Ayant une fois promis le secret à M. de Cinq-Mars, il se considérait comme pouvant accepter en détail toutes les confidences secondaires ; et, depuis l’événement fortuit qui l’avait compromis chez Marion de Lorme parmi les conjurés, il se regardait comme lié par l’honneur avec eux, et engagé à un silence inviolable. Depuis ce temps il avait vu,