Page:Allaire - La Bruyère dans la maison de Condé, t. 1, 1886.djvu/590

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et le peindre à son gré : voilà sa vocation. — Il examine les avares et l’avarice, les financiers et les partisans, puis les autres caractères. — Sa curiosité insatiable parcourt toute la bourgeoisie française et même une partie de la noblesse, toutes les coteries parisiennes, les femmes esclaves de la coutume et de la mode, et les hommes d’une irréprochable correction. — Mais il ne peut achever son livre, il refuse également de le publier et de l’abandonner 
 55


Loin d"avoir fait une revue générale de la société française, la Bruyère en avait à peine vu la moitié ; il ne connaissait ni les grands ni la cour. — Comment y parvenir ? — Le héros de l’époque était Condé ; s’il pouvait se trouver auprès de lui, que de choses curieuses il pourrait étudier ! — État de la maison de Condé vers 1679-1682. — Éducation de M. le duc de Bourbon. — État de la famille de la Bruyère de 1679 à 1684. — Mariage de son frère Louis, qu’on appelait M. de Romeau. — Le trésorier de France et général des finances en la généralité de Caen est volé à Paris par son domestique. — Il demeure seul et triste avec sa mère. — Comment sortir de l’obscurité où il étouffe. — Ah ! s’il avait l’esprit de M. de Gourville, il y a longtemps qu’il serait à l’hôtel de Condé. — Mais résolu à ne se point faire valoir par des choses qui dépendent des autres, il aime mieux changer ses désirs que l’ordre du monde 
 79


Comment la Bruyère fut-il admis dans la société de Bossuet ? — On ne sait : il s’était concilié sinon l’amitié, au moins la bienveillance et la confiance de Bossuet, plusieurs années avant d’entrer dans la maison de Condé. — Allée des philosophes, le petit concile, pères ecclésiastiques et pères laïques. — Portrait du président. — Fleury publie les Mœurs des Israélites ; à son exemple, la Bruyère veut faire connaître les mœurs des Grecs, et il traduit les Caractères de Théophraste : mais, après bien des réflexions, il n’ose les publier. — Il s’aperçoit qu’il serait ridicule aux yeux des hommes et des femmes du monde, s’il venait leur recommander comme un modèle la civilité des Athéniens. — Il reçut alors la visite du chartreux Bonaventure d’Argonne. — La Bruyère n’avait rien de pédant, il était seulement un homme docte, c’est-à-dire une personne humble, ensevelie dans le cabinet, qui avait médité, cherché, consulté, confronté, lu ou écrit pendant toute sa vie. — Bossuet enfin trouva une occasion de l’attacher à l’éducation du duc de Bourbon, petit-fils du grand Condé 
 107


1681-1684

M. le Prince voulait faire de son petit-fils un héros, ou du moins un bon homme de guerre : M. le Duc voulait faire de son fils un courtisan accompli. — Cette divergence de vues amena bien des intrigues et des querelles dans l’éducation du jeune prince. — Gourville pénètre le secret de M. le Duc, qui veut marier son fils avec Mlle de Nantes pour obtenir les grandes entrées. — Il enseigne au jeune prince ce qu’on n’apprend point au collège, à avoir de l’esprit. — Querelles des jésuites avec l’abbé Bourdelot et avec M. Deschamps. — Détails curieux sur l’éducation au milieu de ces querelles. — Gourville pressa M. le Duc de marier son fils, qui