Page:Allais - À l’œil.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

confia un fiacre qui semblait une ancienne berline d’émigré, traînée par un cheval évadé de l’Apocalypse.

Au petit trot — était-ce bien un petit trot que cette bizarre allure ? — nous nous amenâmes, le sapin, le carcan et moi devant la boutique où régnait mon idole.

Au moins, maintenant, j’avais un prétexte pour stationner sur le trottoir.

Je me donnais des airs de cocher indifférent, de cocher à l’heure qui attend son client.

C’était un moment de presse. Les clients entraient, sortaient sans interruption, emportant leur marchandise soigneusement pour ne pas perdre la gelée.

Elle, debout, active, toujours sérieuse, débitait les comestibles sans jamais se tromper sur le poids ou sur la monnaie.

J’étais tout au charme de ce spectacle, quand soudain je songeai à ma situation de jeune cocher.

Je me retournai… Plus de berline ! Plus de canasson ! Envolés, disparus !

Deux sergents de ville passaient.

Je leur racontai ma mésaventure.

Un attroupement se forma immédiatement. La foule prit une joie extrême à cet incident. Des gavroches, peut-être ceux que j’avais récem-