Mais nous rompîmes la rage au cœur, et bien décidés à tirer de Pète-Sec une éclatante vengeance.
Laquelle ne se fit pas attendre.
Quarante-huit heures après cette humiliation, voici ce qui se passait au Café Dubois, sur le coup de neuf heures et demie :
Pète-Sec entre et jette un regard circulaire pour s’assurer s’il n’y a pas d’hommes dans le public.
Comme mû par la force de l’habitude, un jeune homme se lève, porte gauchement la main à la visière de son chapeau (c’est une façon de s’exprimer) et semble fourré dans ses petits souliers.
L’œil de Pète-Sec s’illumine : voilà un homme en défaut !
— Qu’est-ce que vous f… ici, à cette heure-là ?
— Mais, mon lieutenant…
— Il n’y a pas de mon lieutenant ! Payez et rompez.
— Mais, mon lieutenant…
— Vous avez entendu, n’est-ce pas ? Payez et rompez !
— Mais, mon lieutenant, je ne fais de mal à personne en prenant un grog et en entendant de la bonne musique avant d’aller me coucher.
— Vous savez bien que le colonel…
— Le colonel ! Je m’en f…
— Vous vous f… du colonel !
— Oui, je me f… du colonel, et de toi aussi, mon vieux Pète-Sec !
C’en était trop !
Pète-Sec, suffoqué d’indignation, interpella deux sergents qui se trouvaient là, en vertu de leur permission de dix heures.
— Empoignez-moi cet homme-là et menez-le à la boîte !
Cet homme-là acheva de boire son grog, régla sa consommation et dit simplement :