Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/73

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l’entrainement et le trouble de vos pensées, vous avez dit plus que vous ne vouliez dire, s’il y a la moindre exagération dans vos paroles, rétractez-les, je vous prie, je veux n’emporter d’ici que la vérité. Je confirmai ce que j’avais dit ; mais aussitôt je me rappelai combien son aveu m’avait paru étrange, je le lui avouai :

— Je voulais, j’espérais ce blâme, dit-il avec joie et énergie, c’est bien, c’est vrai ; mais je suis sans remords, je n’ai pas de remords !

Il ne s’expliqua pas davantage.

A présent, qu’on juge de mon bonheur ; moi arrivée du comble de l’ennui et de l'isolement, à cette élévation extraordinaire ! Combien peu d’amants se sont parlé ainsi et ont cherché dans l’amour la sorte de bonheur que nous cherchions !

Qu’on se rappelle mon sort de tout à l’heure ! Dans cette intéressante mais souvent pénible étude des écrits de madame de Staël, dans cet idéal cruel de la passion, dans cette sensibilité qui devenait un supplice affreux, ce peu d’espoir de trouver rien pour me plaire, l’homme que j’admirais le plus, celui-là seul dont la raison calmait mon trouble, celui-là seul dont, sans l’espérer, je me fusse souciée d’être aimée et dont l’amour me semblait un bien au-dessus de tous les biens mortels, celui-là vient me dire qu’il m’aime ! et dans quel langage ! de quelle manière !

Pour ce bonheur si grand, je dois bénir à jamais Dieu, Dieu qui donnait ici l’impulsion à toute ma vie, Dieu qui m’arrachait à mes tourments par l’aveu d’un homme ad-