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mémoires d’un communard

Dans la maison de retraite de la rue de l’Epée-de-Bois, fondée en 1850, par la sœur Rosalie, dont le monde clérical s’est plu à surfaire la renommée, on mit comme directrice Mme Dacosta.

Les « bonnes sœurs » avaient raconté des choses effrayantes aux pauvres femmes enfermées en cette maison et, le jour où je vins en prendre possession au nom de la Commune, elles se sauvèrent dans leur dortoir. Je parvins à les rassurer, mais avec beaucoup de peine.

Je changeai leur ordinaire, par trop réduit ; leur fis donner du vin à tous les repas, des légumes frais, et donnai l’ordre d’ouvrir le jardin, réservé exclusivement aux sœurs ; mais ce ne fut que plusieurs jours après qu’elles osèrent en fouler les allées, tant la peur des « bonnes sœurs » demeurait en leur esprit.

Encore quelques semaines du régime nouveau et il en eût été fait de la réputation bienfaisante de la sœur Rosalie, la décorée, comme de celle de ses collaboratrices : le diable communard aurait remplacé le bon dieu catholique. Heureusement que les Versaillais vinrent mettre un terme à nos machinations diaboliques et rétablir le « bon ordre ».

A l’orphelinat de la rue Thouin, il se produisit un incident qui mit en gaieté le personnel laïque. Une des sœurs avait oublié, dans un tiroir, une relique un peu compromettante. Tenant à la reprendre, elle revint accompagnée d’une autre religieuse ; mais son trouble était si grand qu’elle ne put retrouver l’objet qu’elle cherchait.

Les citoyennes la prièrent d’en indiquer la nature afin de l’aider dans ses recherches et, au besoin, de le mettre à sa disposition si, une fois partie, elles venaient à le retrouver.

Elle s’y refusa obstinément ; on la laissa donc chercher à sa guise, mais comme on gardait quelque défiance, on observait quelque peu ses mouvements afin que, si parfois elle avait en tète des idées de vengeance, elle ne pût les réaliser.

Agacée de ne pouvoir mettre la main sur ce qu’elle cherchait, elle s’en fut furieuse.

Désireuses de ne pas être accusées d’un détournement