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mémoires d’un communard

tention de nuire, de déconsidérer le mouvement révolutionnaire ?

C’étaient des Versaillais de Paris, embusqués dans les services administratifs de la Commune, et je les traitais avec beaucoup plus de douceur qu’on ne m’eût traité à Versailles. Agir autrement eût marqué une défaillance, un manquement à mon devoir, à la mission que les travailleurs m’avaient confiée.

Je dois ajouter que cette mesure ne fut nullement du goût de Régère, ni de mes co-délégués, Aconin et Muraz ; mais qu’y pouvais-je ? J’étais impuissant à contentera la fois et la Révolution et les non révolutionnaires.

Grâce à l’intelligente activité du citoyen Thieure (membre du Comité de légion), le fonctionnement du bureau de secours ne subit aucun arrêt.

Pendant que se poursuivait l’épuration des services hospitaliers, les curés de nos paroisses gardaient une attitude plus qu’équivoque. Solidaires des sœurs, moines et frères, ils faisaient des vœux pour l’écrasement de la Commune, d’autant qu’ils ne pouvaient s’illusionner sur le sort réservé à l’exploitation de la crédulité publique, si venaient à triompher les idées d’émancipation sociale.

Quelques prêtres avaient jeté le masque et s’étaient déclarés franchement nos adversaires. En l’église Saint-Séverin s’étaient produits des incidents de nature à éveiller notre attention, mais lorsqu’on se décida à arrêter le curé, celui-ci avait pris la fuite. De même à Saint-Jacques-du-Haut-Pas, où le curé, après avoir fulminé contre « ces brigands de communards », prit la poudre d’escampette.

J’eus la visite de celui de Saint-Etienne-du-Mont, à l’aspect fort débonnaire ; il vint me prier de lui faire connaître les intentions de la Commune à l’égard des paroisses. Je lui répondis que je n’avais reçu aucune instruction à ce sujet ; que les prêtres n’avaient qu’à se tenir tranquilles, et que si des mesures avaient été prises contre quelques-uns de ses collègues, c’est qu’ils s’étaient écartés de leurs fonctions sacerdotales en dénigrant la Commune.

Il me fit observer que les églises étaient transformées en clubs, que les chaires devenaient des tribunes…