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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/111

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mémoires d’un communard

cinquième légion, et établi marchand de vins rue Mouffetard, s’en vint m’affirmer qu’un régiment de ligne, arrivant de province et campé près des Hautes-Bruyères, comptait parmi les sous-officiers et les soldats un très grand nombre de partisans de la Commune ; qu’il était relativement facile de les entraîner, et que l’aventure valait d’être tentée. L’arrivée dans Paris de tout ou partie de ce régiment produirait un effet considérable, relèverait les courages abattus…

L’expédition me parut plus que hasardeuse, mais la situation était telle et la vie de chacun de nous pesait si peu, qu’après qu’il m’eut dit que ses renseignements étaient sérieux, précis et qu’il partagerait le danger avec moi, j’acceptai de courir l’aventure.

À ce moment même, mon frère entrait dans mon bureau et me communiquait l’affiche sensationnelle du délégué à la Guerre. Son arrivée me sauva probablement la vie.

Mis par moi au courant de l’expédition projetée, il voulut en être :

— Tu vas risquer la mort, eh bien, j’entends être à tes côtés !

Cette résolution de mon dévoué frère dérangeait les lâches calculs du sieur Guillaumot et de ses complices, lesquels se proposaient tout simplement de me livrer aux Versaillais. Guillaumot n’en laissa cependant rien paraître, et il nous invita à nous rendre chez lui, où l’attendait son maréchal-des-logis.

Nous nous y rendîmes dès que j’eus donné quelques ordres à mes deux secrétaires et fait connaître aux membres du Comité de légion, présents à la mairie, mon départ pour les Hautes-Bruyères ainsi que le nom des personnes qui m’accompagnaient ; mais, dès que nous fûmes chez lui, le sieur Guillaumot et le maréchal-des-logis firent valoir que nous trouverions très difficilement à manger hors de Paris et, nous dit Guillaumot, le pot-au-feu étant à point, nous allons déjeuner avant de partir.

On se mit à table ; une demi-heure plus tard, nous étions prêts pour le départ. Mais voici que Guillaumot, d’un air fort contrarié, vient nous annoncer que le cheval qui doit nous mener a besoin d’être ferré à un pied