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des barricades au bagne

occupé à couvrir les rues Vavin et Bréa, et lui-même se portail au boulevard du Montparnasse, près du carrefour de l’Observatoire, pendant que je m’occupais de faire barricader le bas de l’arrondissement, c’est-à-dire de la rue Soufftot à la Seine.

Bientôt la lutte commença, ardente, sans arrêt, tel un duel à mort.

Quel inégal combat nous dûmes soutenir pendant ces journées où une poignée de gardes nationaux et trois bataillons de corps francs tiennent en respect le corps d’armée de Cissey ! Nous nous battons un contre six et, pourtant, en un certain moment, on peut presque espérer la victoire, tant les soldats rechignent à marcher. Mais bientôt la butte Montmartre est livrée : de ce point, qui devait foudroyer les régiments versaillais, partent des obus qui explosent au milieu du Paris qui lutte pour la Révolution sociale ; puis un mot d’ordre, lancé par la police et recueilli par des affolés, se répand parmi les fédérés : « Chaque bataillon dans son quartier ! »

C’est la répétition de la manœuvre que l’on avait essayé d’employer pour enlever les canons au peuple, quelques jours avant le 18 mars. Mais, cette fois, elle réussit au delà de toute espérance, et la défense de Paris s’en trouva complètement désorganisée.

Vainement j’essaie, rue Notre-Dame-des-Champs et boulevard Saint-Michel, de retenir deux bataillons du Douzième ; durant ce temps les Versaillais s’avancent par le boulevard du Montparnasse, la gare, la rue Delambre. Les gardes de ces bataillons, arrivés depuis quelques heures à peine, me répondent qu’ils vont défendre leur quartier ! et ils partent sans avoir brûlé une cartouche.

Même spectacle, plus tard, place du Panthéon et rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, où des bataillons du Onzième me font une réponse identique, après qu’on leur a distribué des vivres et des munitions.

En pareil cas, un chef militaire eût ordonné qu’on les décimât, mais pouvais-je, en vérité, donner de tels ordres contre de malheureux citoyens qui, peut-être, croyaient obéir à des instructions venant de la Délégation.

Ce fut le commencement de la débâcle ; grâce à ce désarroi, l’armée eut toutes facilités pour tourner nos