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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/133

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mémoires d’un communard

barricades, couper nos communications et répandre, à travers nos rangs, tout un essaim d’espions, de faux officiers de la Commune qui achevaient de jeter le trouble en répandant de fausses et alarmantes nouvelles, en assassinant les hommes les plus énergiques et les plus clairvoyants.

De partout accouraient les estafettes venant réclamer des renforts, pendant que les quelques bataillons, envoyés au Cinquième, se hâtaient de l’abandonner. Nos propres forces nous faisaient défaut. Le 59e de marche se trouvait au pont au Change et place du Châtelet. Il s’y battait vaillamment pendant que, derrière lui, brûlait l’Hôtel de ville et qu’à sa gauche quelques flammes léchaient la Préfecture de police, juste de quoi détruire certains dossiers compromettants.

Oh ! ces incendies, comme ils furent propices ! Celui de l’Hôtel de Ville — où les représentants de la Commune auraient dû lutter jusqu’à la mort — achève de désorganiser la résistance et démoralise les plus vaillants ; ceux de la Cour des Comptes et du ministère des Finances, allumés par les obus versaillais, font admirablement l’affaire des tripoteurs bourgeois. En même temps qu’ils les rassurent sur les conséquences de certaines dilapidations, ils vont leur permettre, la bataille terminée, d’exciter les passions conservatrices contre les « incendiaires de la Commune ». M. Thiers ordonnera à son âme damnée, M. Barthélemy de Saint-Hilaire, de fabriquer ce faux : « Faites flamber Finances ! » et de le signer Théophile Ferré.

La condamnation à mort de Ferré, comme auteur responsable de cet incendie, ne sera pas le seul crime commis à cette occasion et un malheureux, que les circonstances avaient amené à accepter la place de concierge au ministère, devait, lui aussi, devenir la victime de cette abominable machination.

Il y a là tout un drame qui mérite d’être connu, d’autant qu’il jette une vive lumière sur les agissements de la justice militaire.

Arrêté, ainsi que sa femme et leurs quatre enfants, Theis, qui ne connaissait rien de la politique et qui croyait que son innocence ne pouvait soulever le moindre doute, car de nombreux témoins l’avaient vu s’attaquer