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des barricades au bagne

courageusement à l’incendie et n’ordonner à son petit monde d’évacuer la loge que lorsque les flammes la menaçaient, comparaissait devant le 7e conseil de guerre siégeant à Saint-Germain-en-Laye et n’échappait à une condamnation à mort que grâce à une voix de majorité.

Condamné aux travaux forcés à perpétuité, il mourait à l’hôpital des forçats, à l’Ile Nou. L’injustice et les souffrances en avaient fait un révolté et, au moment où il allait expirer, l’aumônier s’étant approché de son lit, il lui dit qu’il entendait mourir en révolutionnaire, et qu’il ait à s’éloigner !

Ainsi mourut cet homme qui n’avait commis ni délit, ni crime ; que le dénûment mit dans l’impossibilité de faire appeler des témoins à décharge. Des illégalités indéniables eussent dû faire casser le jugement, mais la Cour de cassation passa outre. Que lui importait le sort de ce pauvre diable, de sa femme et de leurs quatre enfants ?…

Parmi les demandes réitérées de renforts, il convient de signaler celles adressées par le colonel Piazza, de la quatorzième légion. Je lui envoyai les quatre compagnies de marche du 119e. Elles se jetèrent, avec une partie des Volontaires de Montrouge, dans le cimetière Montparnasse, au moment même où les Versaillais, remontant la chaussée du Maine, et prenant la rue du Champ-d’Asile, se disposaient, au moyen d’une brèche pratiquée dans le mur, à le traverser et à tourner les barricades qui arrêtaient leur marche. Mais ce mouvement avait été deviné, et les nôtres les attendaient l’arme au poing.

La brèche ouverte, l’ennemi se précipita dans le champ de repos, appelé à devenir un champ de bataille. Le commandant du 119{e}}, après un feu de salve qui surprit et affola les Versaillais, ordonna d’aborder l’ennemi à la baïonnette. Ses hommes s’élancent, les soldats veulent regagner la brèche, mais la plupart mordent la poussière. Un sous-officier tombe à terre ; il va être cloué sur le sol lorsque, d’un effort, il se retourne et peut voir celui qui fond sur lui. Deux mêmes cris retentissent : « Mon frère !… »