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des barricades au bagne

abandonnera le poste au premier danger et laissera Piazza enfermé ; les Versaillais, une fois parvenus à la mairie, s’empareront de ce citoyen et le passeront sommairement par les armes.

En le voulant sauver de la mort dont ses hommes le menaçaient, je devins, de par la couardise et l’indifférence du chef de poste, la cause de sa perte. On m’objectera peut-être que j’aurais dû veiller à sa délivrance ? Je répondrais qu’à partir de ce moment mes occupations et préoccupations deviennent terriblement lourdes. Nul citoyen, jouissant de quelque autorité, n’est là pour me seconder : le vide s’est fait dans cette mairie, où tant de gens se promettaient d’accomplir des prouesses. De même à la légion, d’où Blin et ses officiers ont disparu depuis longtemps. Vivres, munitions, renforts, construction de barricades, audition de prisonniers, interrogatoires des espions, tout m’incombe.

C’est Lisbonne, me réclamant ce qui lui est nécessaire ; c’est le commandant Lambert, c’est Francfort, ses lieutenants ; ce sont les chefs de barricades qu’entourent, que pressent de tous côtés les vingt mille hommes de Cissey. Tous s’adressent au président de la légion, qui fait de son mieux, aidé par d’obscurs combattants, pour leur donner satisfaction.

Puis viendra l’heure où le désespoir envahira l’âme des plus fermes. La Commune, qui n’a pas su tomber, tout au moins lutter où son devoir l’exigeait : à l’Hôtel de Ville, appellera à son secours ceux qui, pied à pied, défendent le sol parisien et, par trois fois, l’ordre sera envoyé à Lisbonne de se replier sur le Onzième. Il voudra m’y entraîner, je refuserai et, c’est à regret qu’il me quittera, entraînant avec lui la presque totalité des combattants.

Ainsi abandonné, il me faudra plus que jamais pourvoir à tout. Comment, dans de telles conditions, aurai-je pu penser à Piazza, que, du reste, je croyais parti au Onzième avec les dernières forces insurrectionnelles.

Tout en m’excusant de m’être laissé entraîner par ces détails, je dois reprendre le récit au point où je l’ai laissé.

La journée du mercredi, troisième de combat pour les bataillons de la cinquième légion, dont quelques-uns