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mémoires d’un communard

Atteint par une balle à l’épaule, le colonel Boulanger donne le signal de la retraite, non sans avoir laissé sur le terrain un très grand nombre de ses hommes, dont quelques-uns ont trempé dans l’assassinat des gardes nationaux du 118e bataillon.

Parmi les fédérés, l’enthousiasme est grand, mais ce n’est là qu’un bien modeste avantage ; la défense n’a pas de troupes en réserve et ses rangs vont s’éclaircissant. N’importe, on ira jusqu’au bout, on combattra jusqu’à épuisement des forces physiques.

Je cours rue de Lourcine ; là, la lutte bat aussi son plein. Une seconde fois les fusiliers marins se sont, élancés sur la barricade ; mais, comme la première, leur élan a été brisé, et de nombreux morts jonchent la chaussée. La fusillade fait rage. J’apprends que le citoyen Balsenq, commissaire de police de la Commune, vient d’être blessé et transporté à l’ambulance.

Les munitions ne faisant pas défaut et les gardes nationaux ne manquant pas d’entrain, je m’éloigne et reviens vers la rue du Pot-de-Fer-Saint-Marcel, après que deux autres barricades ont été construites, rue Mouffetard, par les ouvriers et employés de la brasserie du Bon-Pasteur, qui, au lieu de se battre, attendaient dans les caves que le sort des armes décidât de quel côté il convenait se placer. Les brasseurs travaillèrent à ces barricades, mais ne les défendirent pas. Il est vrai qu’on ne pouvait plus se faire d’illusions sur l’issue de la bataille et, alors !

A peine étais-je parvenu à la rue du Pot-de-Fer, que je vis arriver des gardes nationaux venant de la barricade de la rue de Lourcine ; ils entouraient un individu dont la physionomie ne m’était pas inconnue :

— Citoyen, me dirent les gardes nationaux, voilà un gaillard qui ne peut être qu’un espion : il rôde dans le quartier depuis ce matin ; nous l’avons vu aller, venir, paraître, disparaître ; c’est sûrement un espion.

Or, pendant qu’ils parlaient, j’examinai le prisonnier : je me souvins que, quelques heures auparavant, on l’avait conduit devant moi et que j’avais cru devoir le faire relâcher.

— Mais je vous reconnais, lui dis-je, voilà la troisième fois que l’on vous arrête : la première fois, c’est