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mémoires d’un communard

déçu grâce au Comité central, lequel sut faire entendre à la garde nationale la voix de la raison.

Donc, le 1er mars, c’est-à-dire 164 jours après l’arrivée des troupes ennemies devant la capitale, les Champs-Elysées, le Cours-la-Reine et le faubourg Saint-Honoré avaient été départis aux vainqueurs. Le cœur de Paris, ses faubourgs populaires leur avaient été interdits, afin d’éviter les collisions qui n’eussent pas manqué de se produire entre les soldats de Guillaume et les gardes nationaux.

Des barricades empêchaient tout contact entre les vainqueurs et les 200.000 hommes armés que comptait alors la garde nationale.

Jamais reddition ne présenta pareille anomalie. Gouvernants français et allemands s’étaient entendus pour ménager les susceptibilités des Parisiens, que les uns et les autres détestaient et craignaient au même degré.

Paris, ce jour-là, eut l’aspect d’une cité en deuil.

Trois jours auparavant, des gardes nationaux, auxquels s’étaient mêlés en grand nombre des femmes et des enfants, avaient ramené à la place Clichy, à Montmartre, à Belleville, à la place des Vosges, à celle d’Italie, les canons que les bataillons parisiens avaient achetés de leurs deniers et que le gouverneur de Paris s’était ingénié à réunir place Wagram, afin que les vainqueurs, malgré la clause stipulant que la garde nationale garderait toutes ses armes, pussent s’en emparer, aidant ainsi au désarmement du populaire que méditaient les membres du gouvernement.

Cet incident, dont tout d’abord on ne put calculer les conséquences, devait avoir une très grande influence sur la marche des événements.

Il fut comme le prodrome de la Révolution du 18 Mars.

Rentrée en possession de son artillerie, la garde nationale, définitivement prévenue contre le gouvernement, veillera sur ses canons avec autant de soin que les circonstances le lui permettront, car elle ne peut ignorer qu’en haut lieu on n’attend qu’une occasion favorable pour les lui enlever à nouveau.

Cependant, la lassitude des uns, l’indifférence du plus grand nombre, paraîtront bientôt offrir au gouvernement ladite occasion. Mais n’anticipons pas.