En attendant que la force intervînt, les intrigues se nouaient.
Le Comité central de la Fédération de la garde nationale, dont le siège était à la Corderie, près le marché du Temple, était battu en brèche par le Comité de la rue Richelieu où siégeaient les créatures du gouvernement.
On y décida que chaque bataillon reprendrait sou canon, sous prétexte de familiariser les gardes nationaux avec la manœuvre de cette arme.
Le colonel Galle, ex-officier de marine, comme Saisset, comme Lullier, et que nous retrouverons plus tard en qualité de prévôt à la cour martiale du 5e arrondissement, choisit le 59e bataillon pour amorcer cette entreprise réactionnaire, et s’entendit, à cet effet, avec le général commandant l’Ecole Polytechnique, ladite Ecole devant recevoir tout d’abord ce premier canon, puis, si le plan réussissait, successivement toutes les pièces appartenant aux bataillons de l’arrondissement.
Le canon du 59e bataillon, auquel j’appartenais, se trouvait au parc d’artillerie de la place des Vosges. Le lieutenant-colonel Chaper, ingénieur attaché à la Compagnie d’Orléans, ordonna le rassemblement des compagnies, celles dites de marche et celles de la sédentaire, puis, précédé des chevaux que le commandant de l’Ecole Polytechnique avait gracieusement mis à la disposition des meneurs de l’opération, le bataillon s’achemina vers la place des Vosges.
En ma qualité de délégué de bataillon, j’avais, ce matin même, assisté à la réunion de la Fédération de la garde nationale et j’étais pertinemment sûr que Tordre de reprendre notre pièce ne pouvait émaner que du Comité adverse, d’accord en cela avec le gouvernement. Je résolus cependant de me joindre aux hommes de ma compagnie et d’observer le mouvement, afin d’en faire mon profit.
Au moment où le bataillon s’ébranlait, M. Versigny, mon capitaine à la 4e de marche, vint, tout souriant, me prier d’entamer avec lui le Chant du Départ ou la Marseillaise.
— En l’honneur de quel saint, lui demandai-je ; serait-ce parce que nous allons travailler pour la réaction ?
