cadavérique. On l’entraîne, ainsi que ses compagnons de torture, vers les prisons, pendant que les clairons embouchent une allègre sonnerie de marche et que les soldats de la République française regagnent leur casernement.
Grâce à la protection que leurs baïonnettes ont accordée à l’ « Ordre », représenté par l’Administration pénitentiaire, cette dernière a pu, sans péril et sans protestation, faire administrer cent-soixante-quinze coups de martinet sur les reins à sept malheureux.
C’est là, il faut en convenir, un faste régimentaire qui mérite d’être rappelé, et qui démontre irréfutablement l’utilité de l’armée permanente nationale et coloniale.
Pauvre peuple ! misérables foules !… viendra-t-il le jour où vous comprendrez ?
Nous sommes demeurés immobiles, attendant l’ordre du départ ; mais voici que revient le surveillant à deux galons, et nous nous demandons, non sans quelque anxiété, ce que cette brute nous réserve encore après une telle épreuve.
— Transportés, formez le cercle ! nous crie ce nouveau Torquemada.
Après la bastonnade — et quelle bastonnade ! — le discours de celui qui l’avait présidée, réglée. Décidément, la honte (comme l’anticléricalisme) n’est pas un article d’exportation en nos colonies.
Le héros de cette matinée tragique se place au centre et, après avoir pris une pose, rappelant celle de Bonaparte haranguant ses soldats, il s’exprime ainsi :
« Condamnés, nouvellement débarqués, vous venez d’assister à une séance de martinet… Vous savez, maintenant, ce qui vous attend si vous bronchez, si vous n’observez pas le règlement du bagne, de la Transportation.
« Au premier manquement, c’est vingt-cinq coups ; en cas de faute grave, cinquante. Indiscipline, mauvaise volonté au travail, vol d’effets, vingt-cinq ou cinquante coups de martinet, selon les cas.
« Souvenez-vous de l’exemple frappant — ce fauve avait la plaisanterie un peu lourde — que vous venez de voir. Allez ! »[1].
- ↑ L’auteur de ce speech s’appelait Guinet ; nous le retrou-
