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mémoires d’un communard

des péniles, sorte de morceaux de bois enchâssés ainsi que des toiles. De fortes grilles en commandent l’entrée.

La nourriture est distribuée comme à bord ; on retrouve, au Pénitencier, le seau ou « plat » renfermant la soupe pour dix hommes. Le système est, à peu de chose près, celui de la marine de l’Etat, toutes proportions gardées.

Il est cinq heures du matin, et la cloche a donné le signal du réveil. Chacun, en hâte, saute de son hamac et s’apprête pour se rendre au travail, après que les hommes de plat sont allés chercher le café, et que chacun l’a absorbé, se disant in petto que le breuvage ne rappelle que de fort loin le moka cher aux gourmets.

Un surveillant militaire, escorté d’un contremaître, vient nous aviser que nous n’irons pas au travail et que nous demeurerons enfermés. Un peu plus tard, j'apprends, par un contremaître, que c’est pour procéder à notre « classement », et qu’il est probable que, parmi nous, beaucoup seront envoyés à la « quatrième », c’est-à-dire au peloton dit de correction.

À ce propos, il convient de dire que jamais population pénitentiaire ne comporta autant de catégories que celle peuplant le bagne néo-calédonien. En voici la nomenclature exacte :

1o Les condamnés de première classe, comprenant les ouvriers d’art, les écrivains (forçats employés dans les bureaux), les garçons de famille (forçats domestiques). Leur gain est de trente centimes par jour ouvrable ; la moitié de ce gain demeure à la masse, quelle que soit la durée de la peine.

2o Les condamnés de deuxième classe, comprenant toutes les professions, voire même les simples manouvriers. Leur gain est de vingt centimes par jour, dont la moitié reste à la masse.

3o Les condamnés de la classe ordinaire, ou troisième classe, comprenant tous les forçats qui, dès leur arrivée, ne sont pas signalés comme « fortes têtes ».

Cette catégorie touche cinq centimes, ou un franc trente par mois, avec une retenue de 50 0/0 pour constituer la masse du transporté[1].

  1. Ce ne fut qu’après le départ du gouverneur de la Ri-