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des barricades au bagne

Le secrétaire me demande mon matricule, pendant que son maître s’adressait à mon voisin.

Et il en fut ainsi pour tous les condamnés de la case, dont quelques-uns furent marqués pour le peloton de correction. La visite terminée, ce haut personnage administratif crut devoir la clôturer par un discours où les menaces se mêlaient aux sottises. Il nous reprocha notre attitude à bord, ce qui eût mérité notre envoi à la quatrième classe et à la double chaîne, car nous avions manqué de respect à l’égard de MM. les surveillants militaires et, à la dérobée, son regard se fixait sur moi, incisif, cruel.

La chaude recommandation du sieur Fournier lui revenait sans doute à la mémoire.

Fort heureusement — je l’appris plus tard — l’imprimerie du gouvernement manquait de personnel, et je pus à ce moment esquiver la quatrième classe.

Ce n’était que partie remise.

Dans la soirée on m’envoya à la forge et on m’enleva la manile dite de la traversée, puis on me délivra mes effets réglementaires, sur lesquels on apposa mon nouveau matricule, ce numéro 4.486 qui, à partir de ce jour, devait constituer ma personnalité. Ces quatre chiffres s’étalaient au-dessous d’un T et d’un F comme eux plus qu’apparents.

Après ces visites à la forge et à l’habillement, sous la conduite d’un contre-maître, d’un correcteur et d’un surveillant, ceux qui, comme moi, devaient demeurer à la troisième classe, réintégrèrent leur case respective. Le soir, on vint m’aviser de me tenir prêt pour le lendemain matin quatre heures.

Qu’était ce Montravel où l’on m’expédiait ? Un bagne comme un autre, sans doute, où je retrouverais des geôliers ni plus mauvais ni meilleurs que ceux que je quittais. En tout cas, depuis mon arrivée à l’Ile Nou je n’avais assisté qu’à d’abominables spectacles, et je pouvais m’en éloigner sans regret, d’autant que tout changement, quel qu’il fût, ne pouvait m’être autrement désagréable.

Dès quatre heures, mon hamac roulé et réuni à mon sac, renfermant mes effets, je fis mes adieux aux deux ou trois camarades de la Commune qui se trouvaient