J’avais appris en effet par M… qu’un certain Wallenstein, colon, allemand, abouché avec Jourde et Ballière, avait été envoyé par eux à Newcastle (Australie), pour y régler le coût de l’armement d’un navire, chargé d’enlever un certain nombre de déportés (dont Rochefort), était de retour à Nouméa ; que Wallenstein avait affrété ce navire et qu’il fallait s’attendre à du nouveau sous peu de jours. Et M…, ayant terminé ce récit, avait conclu en me posant cette question :
— Avez-vous été prévenu de ces choses par Jourde ?
— Non, lui avais-je répondu, mais je lui ai expliqué, lors de notre dernière entrevue, que je le verrais partir avant moi sans déplaisir, étant donnée ma crainte qu’il ait à souffrir à cause de moi ; je ne lui demandais que de se souvenir, une fois eu liberté, qu’il y avait au bagne un homme résolu atout risquer pour reconquérir la sienne, et qu’il ne dépendait que de lui de le rendre libre…
— C’est très bien, avait ajouté M…, mais je préférerais de beaucoup que le même bateau vous enlevât tous les deux et ensemble.
Et le malin du 18 mars 1874, M…, à peine entré à l’atelier, m’avait dit que l’évasion était prêle, que trois jours ne s’écouleraient pas avant qu’elle ne fût un fait accompli. Puis, plus bas encore :
« Il y a en ce moment dans la rade de Nouméa un navire anglais ; ce navire c’est le P. G. E. Il doit enlever Jourde, Ballière, Rochefort, Bastion, l’employé à AI. Dusserre, et quelques autres déportés de la presqu’île Ducos…
— Puissent-ils réussir, mon ami.
— Et vous ?
— Aloi ?… j’attendrai que Jourde, fidèle à sa parole, fasse le nécessaire.
C’est ce même jour que Jourde me fit le signe convenu entre nous. Allait-il, malgré mes objections, me donner rendez-vous pour la nuit dans un endroit de la presqu’île Ducos, que je devrais gagner de Montravel ? Me dirait-il, au contraire, d’attendre patiemment son arrivée en Australie ? [1]
- ↑ M. Ballière, en un ouvrage narrant cette évasion et tenant