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mémoires d’un communard

— Tout marche à merveille ! me dit Jourde ; demain, Ballière et moi irons voir Henri (il s’agissait de Rochefort). Nous avons obtenu la permission d’aller passer deux jours à la presqu’île, où a été organisée une partie de pèche. S’il y a du nouveau, je te ferai signe…

— Mais le navire est dans la rade !…

— Comment, tu le sais déjà ? interrogea-t-il, un peu décontenancé.

— Je l’ai appris dès son arrivée.

— C’est exact ; mais si le navire est arrivé, rien n’est encore définitivement arrêté.

— En tout cas, puisque tu vas à la presqu’île, serre la main à mon frère en lui apportant de mes nouvelles.

— Je n’y manquerai pas. Adieu !

Et c’en fut un, en effet.

Profitant de l’obligeance de M. Dusserre, commerçant à Nouméa, et qui était titulaire de la cantine de la déportation à la presqu’île Ducos, Jourde et Ballière purent, dès le lendemain, gagner Numbo à bord du petit bateau appartenant à ce premier, et que conduisait le citoyen Bastien Grandhille, déporté, chargé par M. Dusserre d’alimenter, chaque jour, la cantine de la presqu’île.

Dans la soirée, visiteurs et visités firent connaître au commandant, M. Bassan, qu’ils se rendaient à l’endroit où devait avoir lieu la pêche projetée, et qu’ils y passeraient la nuit.

Les deux ou trois déportés que M. Rochefort avait à son service apportèrent, en même temps que des lignes de fond, tout ce qui était nécessaire pour un bon dîner, puis, les lignes amorcées et lancées, on se mit gaiement à table.

    sans doute à infirmer mes appréciations, crut devoir affirmer l’impossibilité de gagner la presqu’île Ducos du camp de Montravel. Or, ce faisant, M. Ballière commit une erreur de fait, car nombreux sont les cas où des condamnés, internés à Montravel, sont allés pendant la nuit rendre visite à leurs collègues employés à l’abattoir et établis à la presqu’île Ducos.

    Il est vrai que cela ne se pouvait faire sans de sérieuses difficultés, mais les forçats n’y regardaient pas de si près. Du reste, si cela était nécessaire, des déportés ayant habité la presqu’île pourraient témoigner qu’ils ont vu même des déportés à l’enceinte fortifiée s’abouchant avec des forçats venus de Montravel.