caisse sur le comptoir ; intrigué, le débitant demanda ce que renfermait la dite caisse.
— Hélas ! monsieur Fleury, s’écria M. Gauthier, tout larmoyant, c’est mon pauvre enfant que je porte au fossoyeur ! Puis, sa consommation absorbée, il s’en fut vers le champ de repos.
— …!
L’existence se faisait chaque jour plus triste ; un à un les meilleurs des déportés étaient réintégrés à J’île des Pins. Après Rastoul et Savy, cinquante autres durent quitter leur travail, quelques-uns abandonner leur famille et rentrer dans leur lieu de déportation. La délation et la terreur régnent à Nouméa.
Le gouvernement a rappelé le gouverneur La Richerie et confié l’intérim au colonel Alleyron, le boucher de la caserne Lobau. C’est le tigre remplaçant le caïman.
Ayant de justes craintes, je fais dire aux quelques amis qui demeurent encore, que je les prie de s’abstenir, d’éviter de se compromettre pour moi. Je ne devais pas tarder, du reste, à être l’objet d’une dénonciation aussi lâche qu’inattendue qui, en me faisant enlever de l’imprimerie et rentrer à l’île Nou, me mettait dans l’impossibilité de continuer des relations auxquelles j’attachais un prix d’autant plus haut que, malgré le malheur qui m’avait frappé, elles me rattachaient à la vie et nourrissaient en moi l’espoir d’une prochaine délivrance.
Que de fois, au cours de mes épreuves, me suis-je demandé ce qu’étaient devenus ces braves cœurs qui, si généreusement, s’étaient intéressés à ma douloureuse situation. C’est par pur hasard que je connus la mort de la citoyenne Bourdinat et de son mari ; le départ de M… pour les Etats-Unis ; la libération de B…, le retour en Australie de M. Mac-Dermott, le mariage de Mme Leroy, la commutation du citoyen Chaudière et le retour de toute la famille en France.
Ces braves gens, m’a-t-on assuré, sont encore vivants et habitent Paris. Si le renseignement est exact, et que ces lignes leur tombent sous les yeux, ils constateront que le citoyen sait se souvenir des sympathies rencon-
