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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/283

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mémoires d’un communard
CHAPITRE III
LE DIRECTEUR GAUTHIER. —— LA TERREUR A NOUMEA. — UN COUP D’ŒIL SUR MONTRAVEL. — LE PIRATE ROUGE. — LA DÉNONCIATION.

J’ai relaté que le directeur de l’imprimerie du gouvernement — le plus grand ami du maréchal, ainsi que nous l’appelions entre nous — avait un faible pour la boisson, et il advint qu’un jour sa passion faillit lui coûter la vie : tombé, la tête la première, entre deux piles de papier en rame, il y eût succombé si, attiré par ses sourds grognements, je ne l’eusse, non sans de grandes difficultés, remis en meilleure posture.

Ce sauvetage valut à la ville de Nouméa, comme au personnel de l’imprimerie, de s’égayer d’une anecdote où le macabre le dispute à la drôlerie, et dont M. Gauthier fut le héros.

Madame son épouse, une Auvergnate dont les formes robustes paraissaient promettre de meilleurs résultats, accoucha d’un enfant mort-né. En sa déception, M. Gauthier crut devoir supprimer les très ennuyeux préliminaires qui marquent tout enterrement, surtout lorsque, comme en la circonstance, il s’agit du décès de l’enfant d’un fonctionnaire haut placé, ami du maréchal-président.

Sans plus de cérémonie, notre homme, avisant une caisse toute mignonne, dont les dimensions répondaient assez exactement à celles du petit cadavre, y plaça l’enfant, cloua le couvercle et, mettant la caisse sous son bras, prit le chemin du cimetière.

En route, l’émotion et le soleil aidant, la soif obligea M. Gauthier à entrer chez M. Fleury, débitant et quelque peu ami de notre directeur, pour y prendre sa consommation, c’est-à-dire une absinthe. Afin de mettre ce breuvage à point, notre homme posa sa