gouvernement, et qu’il suffit d’un peu d’encre et de quelques coups de brosse pour se les procurer.
— En ce cas, si vous voulez bien me les confier, je m’engage à les communiquer à nos amis de Saint-Louis.
J’eus la faiblesse de les lui remettre, et mal m’en prit : « ce communard » était de l’espèce des Boudaille et des Rastoul hypocrites, lâches et mouchards. On ne l’avait fait charretier qu’afin qu’il pût plus facilement renseigner les surveillants sur ce qui se passait à Nouméa, dans les camps et villages qu’il traversait. Dès sa rentrée à Saint-Louis. le misérable s’empressa de remettre au chef Doumert les épreuves que je ui avais confiées et de me dénoncer.
Avisé immédiatement par Doumert, Charrière expédia deux surveillants militaires à l’imprimerie avec ordre de me fouiller minutieusement et, ceci fait, de me conduire, menottes aux poignets, à la Direction pénitentiaire.
Placé près d’une des fenêtres, j’avais vu les surveillants se diriger du côté de l’imprimerie ; j’eus de suite le pressentiment que c’était à mon intention et, toujours sur mes gardes, je priai M… de s’emparer des papiers qui se trouvaient non loin de ma place et de les remettre à M. Mac-Dermott, car, étant donnée sa propre situation, on pouvait le prier de me suivre à la Direction pénitentiaire.
Il s’acquittade la chose avec une adresse parfaite, pendant que je continuai ma besogne, comme si rien d’anormal ne se produisait et, avant même que les surveillants n’eussent franchi le seuil de l’imprimerie, M… s’était remis à son travail.
L’entrée de ces messieurs fit quelque sensation ; toutes les têtes se levèrent et le sieur Lequeux s’en vint à leur rencontre, leur demandant ce qu’ils désiraient.
— Remettre à M. le directeur de l’imprimerie l’ordre de M. le colonel Charrière visant la remise entre nos mains du condamné 4.486, répondit l’un des surveillants.
Je vois encore les visages bouleversés de M… et de M. Mac-Dermott, le sourire méchant des sieurs Lequeux et Ternard, la surprise de tout le personnel,
