Aller au contenu

Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
287
des barricades au bagne

— Il a bien fait ! interrompit le chiourme ; ça vous apprendra à vous évader et à chaparder !

De ma cellule j’entends Boyon, qu’on vient de réintégrer dans la sienne, verser des pleurs et invoquer sa mère.

La pitié ne saurait avoir droit d’asile au bagne, et ce malheureux a grand tort d’y faire appel. En attendant la vengeance, le seul sentiment qui demeure au cœur, en cet affreux milieu, est un profond dégoût pour l’espèce dite humaine…

Un quart d’heure après, on nous distribue la ration de pain habituelle, c’est-à-dire la ration qu’il plaît au surveillant et aux correcteurs de nous donner, et qui varie entre trois cents et quatre cents grammes par vingt-quatre heures.

Et longue, longue à mourir, s’écoule cette journée.

Au matin, transi, comme la veille, je renouvelle mon procédé de massage ; mais cette fois l’opération demande plus de temps : la quasi immobilité que m’impose la double-boucle et le manque de nourriture ont raréfié la chaleur du corps.

Perplexe, je me demande si l’incertitude où je suis se doit prolonger longtemps encore.

— C’est aujourd’hui jeudi ! dit un des prisonniers, et il va y avoir de la « bidoche »… Dites donc, les « fagzirs » (forçats), vous avez vos « ripâtes » (souliers) ?

— Moi pas ! crie un second. Je les ai « lavés » (Vendus) pour avoir du « trèfle ».

— Alors, tu peux te « taper » (en faire ton deuil).

— Plus souvent ; je suis inscrit pour la visite…

— La visite ?…

— Oui, j’vas demander au vétérinaire (médecin) de me faire délivrer un godillot.

— Ah ben ! t’es un « marie à la redresse » (un gars malin).

— Vingt-deux ! voilà le gaffe…

Au même moment, le surveillant pénètre dans le couloir avec un correcteur : ils viennent chercher ceux des prisonniers qui, la veille, se sont fait inscrire pour la visite. Les trois fouettés sont du nombre, et nous entendons le surveillant intimer à Boyon de presser le pas.

Au bout d’une heure environ, le bruit que font en