Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
293
des barricades au bagne

Cependant, mes amis ne m’abandonnaient pas ; de temps en temps un morceau de pain, qui m’était remis dans les conditions que j’ai déjà décrites, venait me prouver que l’on songeait à l’emmuré. Mais ces amicales attentions ne pouvaient faire disparaître l’obsédante pensée des menaces proférées à diverses reprises et, chaque fois que le clairon annonçant la bastonnade se faisait entendre, je me demandais, non sans anxiété, si j’allais être compris au nombre des victimes de cette ignoble et épouvantable torture.

Ce n’était que lorsque l’appel des malheureux condamnés à recevoir le martinet était terminé, qu’une espèce de calme se faisait en moi. Et cela se renouvelant ordinairement deux fois dans une semaine, on peut juger de l’état d’esprit des hommes mis en cellule et qui, comme moi, ignorent les mesures que l’Administration compte prendre à leur égard.

Vers le vingtième jour de ma séquestration il y eut inspection du commandant Delaplane.

Les cellules s’ouvrirent une à une et, à chaque détenu, il adressa une admonestation quelconque. Mon tour vint et, sous forme d’interrogatoire, il me demanda :

— Eh bien, quand vous déciderez-vous à dire la vérité ?

— La vérité ! mais je l’ai toujours dite, et je ne comprends rien à la rigueur qu’on emploie à mon égard. On s’est sans doute promis de me faire mourir en cellule !

— M. le Directeur est le souverain maître et je ne fais qu’exécuter ses ordres. Vous sortirez d’ici quand vous lui aurez donné satisfaction. A propos, est-ce que, le jeudi et le dimanche, vous recevez votre ration de bouillon et de viande ?

— J’ai refusé de la recevoir, puisque l’on prétendait me la servir en la versant dans un de mes souliers…

— Ce n’est pas encore mon affaire.

Et le sieur Delaplane s’en fut, sa conscience de… soldat étant satisfaite par cette inspection toute humanitaire.

La porte d’une autre cellule s’était ouverte et j’entendis le commandant interpeller le condamné qui l’oc-