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mémoires d’un communard

cupait par ces paroles plutôt étranges, si l’on songe que le sexe laid était seul représenté :

— Tiens, tiens ; c’est toi, la « Marie » ; te voilà amarrée proprement… Ça t’apprendra à te tenir tranquille…

— Allons, allons, mon commandant, ne faites donc pas le méchant avec votre petite Marie, qui vous aime bien. Du reste, vous savez que ça ne vous va pas…

— Salope !…

Et le commandant de l’île Nou court encore.

Une fois le quidam parti, les condamnés s’en donnèrent à langue que veux-tu, et la « Marie » raconta effrontément que « son commandant » ne la laisserait pas longtemps en cellule ; que c’était « elle » qui prenait soin de son linge, et qu’il ne pouvait se passer « d’elle ».

Cela était dit si naturellement que, n’eût été le lieu où l’on se trouvait, on eût cru entendre en ses explications la maîtresse ou l’épouse du commandant Delaplane.

L’individu qui venait de faire fuir notre visiteur — à moins que cette visite n’eût d’autre objet que celui de permettre au sieur Delaplane de voir sa « Marie » — était un ex-soldat de la légion étrangère que tous les fonctionnaires du Pénitencier s’arrachaient, et il en était de môme de leurs épouses, car il excellait dans les travaux d’aiguille, de repassage, etc., etc. ; quant à son vice, il était notoirement connu et accepté dans ce milieu aussi peu scrupuleux que celui des forçats.

Quelques jours après cette étonnante visite, on vint m’aviser que le colonel Charrière, directeur de la Transportation, m’infligeait trente jours de prison, sans qu’il fût tenu compte de ma prévention.

Tel fut le résultat de l’infamie commise par le misérable qui s’était fait le mouchard volontaire du chef au camp de Saint-Louis.

Je quittai cette cellule où j’avais, à la vérité, bien souffert ; cependant, n’eussent été la barre de justice, l’emprisonnement des jambes, la presque impossibilité de se mouvoir, je crois que son séjour m’eût paru préférable à celui de la prison, car jamais promiscuité plus repoussante ne saurait être imaginée ; jamais non plus des êtres humains n’ont dû supporter des émanations