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des barricades au bagne

aussi empestées. Fort heureusement pour nos poumons que, le jour, les prisonniers sont appelés, sous la conduite des correcteurs, à se livrer à diverses besognes et qu’ainsi ils peuvent respirer un autre air que celui de la geôle ignoble où ils doivent passer la nuit et où, chaque soir, des scènes de brutalité et de bestialité inénarrables se déroulent au milieu de l’obscurité ; car, en dehors des hommes subissant une peine à long terme, chaque soir, la prison était envahie par les condamnés punis d’un ou quelques jours de prison et qui ne devaient qu’y coucher.

L’entrée de ces hommes était l’occasion d’une ruée épouvantable : c’était à qui, selon l’intention de trouver une place sur le lit de camp — déjà en partie occupé par les prisonniers à demeure — ou sous ce même lit de camp, bousculerait, frapperait son voisin.

Et c’est en un tel pandémonium que je devais, un mois durant, respirer et vivre.

Telles sont les sentines officielles, administrativement réglées et tolérées, où, sans pudeur aucune, on envoie des hommes qu’on prétend vouloir moraliser et qu’on s’efforce d’empoisonner et d’achever de corrompre.

Qui dira jamais l’amas de hideurs physiques et morales qu’est l’Administration pénitentiaire française ? Que sont les légendaires écuries d’Augias auprès des lieux horribles dont nous nous efforçons — autant que la décence nous le permet — de donner un faible aperçu ?

Les gouverneurs et les administrateurs changent, les enquêtes se font, mais la pourriture coloniale demeure ! Quand donc, tel un nouvel Hercule, le peuple —— devenu enfin conscient — exigera que la République ne ressemble pas plus à la Monarchie que la propreté ne ressemble à la crasse ?

Nous avons dit que les forçats condamnés à la prison travaillaient, pendant le jour, sous la conduite des correcteurs, qui, d’ordinaire, les employaient à débarrasser le Pénitencier-Dépôt de ses ordures ou à entretenir les chemins.

Il y avait trois jours que, sous la direction du correcteur Massé, je besognais dans le camp lorsque, le matin du quatrième jour, le bourreau, qui avait la haute main