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mémoires d’un communard

rière pouvant se rire de sa tyrannie, échappée à l’épouvantable cauchemar qui hante le sommeil d’un coupeur de têtes, surtout lorsqu’une telle besogne lui est imposée.

Quant à ses co-évadants, ils m’étaient complètement inconnus ; je savais seulement qu’il y avait parmi eux un ex-marin américain et, je crois, un matelot havrais, c’est-à-dire trois hommes sur cinq qui étaient familiarisés avec la mer et ses dangers.

La traversée, de l’Ile Nou à Sidney, dura dix-neuf jours et fut des plus émouvantes. Après le neuvième jour, un des fugitifs mourut. Ledouxetses compagnons survivants, en môme temps qu’ils devaient veiller à la marche de la chaloupe, durent arroser d’eau de mer le cadavre du malheureux qui, plus faible, avait succombé sous la fatigue endurée.

A cette conservation du cadavre, qu’il eût été si facile de jeter à la mer, on reconnaît que ces hommes n’étaient pas étrangers aux lois qui régissent la vie maritime, voire même aux dispositions visant l’extradition des condamnés évadés. En même temps que l’eau de mer arrêtait sa décomposition, la présence à bord du cadavre permettrait, à l’arrivée, de constater que la mort avait été naturelle et non la suite d’un crime, ce qui eût permis au gouvernement français de se faire livrer les évadés ou, tout au moins, aux autorités australiennes de les arrêter et de les faire passer en jugement.

L’énergie, le sang-froid et l’endurance de ces hommes, qu’ils fussent ou non de vulgaires forçats, leur méritèrent les sympathies de la population. On leur procura du travail et, bravement, tous quatre se mirent à la besogne. Le gouvernement français fit des démarches auprès de celui de la Nouvelle-Galles-du-Sud, elles échouèrent :

« Aucun délit n’a été commis par les évadés, fut-il répondu, et les lois qui nous régissent les protègent. »

Furieuse de voir échapper ses victimes, l’Administration pénitentiaire songea à employer la ruse et envoya son principal garde-chiourme à Sydney pour, tout au moins, avait dit Charrière, enlever l’ex-bourreau, dont il entendait cruellement se venger.

Nutzbaum se mit en rapport avec les policiers locaux,