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des barricades au bagne

la plupart des forçats dont l’intelligence ne s’était pas abîmée dans le cloaque du bagne, savaient faire le départ entre les convaincus et ceux qu’un peu méchamment ils appelaient les « comédiens ».

Je continuai, quelque temps encore, à appartenir au Pénitencier-Dépôt. Mais comme le jardin de la Transportation semblait plutôt relever de la Ferme-Nord, cette espèce d’ambryon d’organisation de culture établie à la pointe-nord de l’lle Nou, on m’y expédia avec les quelques condamnés de la corvée dite du jardin de la Transportation, qu’il ne fallait pas confondre avec celle du jardin d’agrément (dit anglais), et celle du jardin des sœurs (dit de l’hôpital).

Parmi les camarades de la Commune qui travaillaient avec moi, je citerai les citoyens Eyraud, Jolivet, Meyer, Sauvage et un sieur D…, ex-déporté, condamné à sept ans de travaux forcés. Son crime, ou plutôt son délit, l’eût fait condamner, par des juges très sévères, à six mois de prison au maximum, mais avec les conseils de guerre — surtout celui qui siégeait à Nouméa — la peine de D… passa aux yeux de tous pour bénigne ; du reste, D… lui-même s’estimait heureux d’en être quitte à si bon compte.

Parmi les mille sentences rendues par ce conseil de guerre, on peut citer, à titre d’exemple, celle qui condamna à la peine de quarante années de travaux forcés, en sus du temps imparti par le premier jugement qui l’avait frappé, un forçat ayant jeté une pierre sur un canard et l’ayant malencontreusement blessé à mort.

Et combien d’autres verdicts de ces messieurs pourraient s’ajouter à celui-ci. L’affaire Vœst et Drouhin mérite d’être également rappelée.

Wœst sert l’Administration et se fait construire un gourbi à la presqu’île Ducos ; Drouhin, Crépet et Gibouin, ses co-déportés, travaillent à cette édification ; mais lorsque vient le moment de les solder il s’y refuse.

Cet état de choses dura une année ; impatientés, ils se montrèrent exigeants, et Wœst, voulant se débarrasser de leurs réclamations, pria Drouhin de passer chez lui. Celui-ci s’y rendit ; mais, à peine entré dans le gourbi,