un atelier de charronnage, un autre de menuiserie et un four à chaux.
L’activité la plus grande régnait dans l’atelier de menuiserie depuis l’arrivée du Directeur de la ferme ; les meubles, les placards, mille objets divers, avaient imposé une augmentation du personnel dans cet atelier : c’est que tout faisait défaut au nouveau venu ; cependant, s’il sut profiter de la situation, il eut du moins le bon esprit de ne pas imiter le sot et brutal Grévisse. On m’a assuré qu’il se montra serviable et juste avec les condamnés.
La centaine de libérés que le manque de travail avait mis dans l’obligation de recourir à’hospitalité administrative, étaient occupés à diverses besognes en attendant qu’un colon leur offrît de l’embauche.
Chaque matin je partais au jardin de la Transportation, en compagnie de Jolivet, Eyraud, Sauvage, Mayer (qu’il ne faut confondre ni avec le correcteur, ni avec l’ex colonel Simon-Meyer), et D…
A côté de nous, dans le jardin de l’hôpital, se trouvaient trois autres jardiniers qui, comme le contremaître Devos, vivaient en dehors du camp. L’un des trois était le Polonais Bérézowsky, célèbre pour son attentat contre le tzar, en 1867. Malgré la grâce qui avait modifié sa situation, il demeurait dans l’île, où il vivait isolé, s’occupant au jardin des sœurs.
Tout près de son gourbi se trouvait celui de Doré et de Ménier, travaillant au même jardin. Doré avait été condamné à mort par la cour d’assises — les jurés, après la Commune, rivalisaient de férocité avec les juges des conseils de guerre — pour complicité dans le meurtre d’un mouchard nommé André. C’était un maître-jardinier qui, après avoir transformé le jardin des sœurs, paracheva le jardin de plaisance où, les forçats rentrés en leurs cases, s’esbattaient les sœurs et les fonctionnaires.
Ménier, ex-sous-officier de zouaves et capitaine fédéré, était le type de l’ancien soldat au geste et au langage exempts de contrainte. Ses plaisanteries de non-croyant exaspéraient Bérézowsky. Un jour que Doré et Ménier, selon l’habitude contractée d’aller, à tour de rôle, passer la soirée dans l’un des deux gourbis, se présentaient
