Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/335

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
316
mémoires d’un communard

ou tenir tête à la brute, j’adoptai ce dernier parti.

Le coup de pied qu’incontinent je lui portai à la poitrine ne put produire l’effet que j’en espérais, par suite de l’enfoncement dans la terre fraîchement remuée de la jambe supportant mon corps, et, tel un sanglier fonçant sur une meute, Besançon se rua sur moi.

Aussi souple que vigoureux, j’évite son coup de tête et le saisis au cou de mes deux bras, que je serre à l’étouffer. Pris entre cette espèce d’étau, Besançon rugit et cherche à me mordre ; en un moment, une de mes mains rencontre sa bouche et, avec une violence que ma situation et la lâche expectative de D… expliquent, j’enfonce mes doigts entre ses dents et une des joues, que je déchire. Besançon n’en rugit que de plus belle, et, tout en s’efforçant de résister à mes efforts qui tendent à le renverser, je comprends qu’il cherche à saisir son couteau pour m’ouvrir le ventre.

La situation est grave ; il faut, coûte que coûte, me débarrasser de ce fauve avant qu’il n’ait pu se servir de son couteau. Je rassemble mes forces et, d’un brusque mouvement en avant, je rejette Besançon, qui tombe à demi. J’en profite pour, d’un bond, m’éloigner de mon sauvage antagoniste, qu’il m’eût fallu, autrement, tuer ou blesser gravement si je ne voulais devenir la victime de sa fureur.

Mais voici que Besançon revient sur moi son couteau au poing. Il me faut défendre ou mourir, car D… a gagné le large. Je saisis alors une bêche et attends mon adversaire ; mais, si D… est peu courageux, il n’en est pas de même de mon ami Eyraud. Il a vu notre combat et, après s’être armé d’un manche d’outil, il est accouru et s’est placé entre Besançon et moi, me criant de le laisser faire.

Moins d’une seconde après, le couteau volait à quelques pas et, toujours armé de son fort bâton, qui tournoyait d’une façon inquiétante, Eyraud obligeait Besançon à la retraite. Ayant regagné la roule, ce dernier s’en fut en nous montrant le poing et en nous promettant de se venger.

Je remerciai Eyraud de son intervention, car le coup que je destinais à Besançon pouvait m’attirer de graves ennuis, tandis que sa maîtrise de bâtonniste avait mis