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des barricades au bagne

fin à un heurt qui, provoqué par la sottise de D…, pouvait se terminer dans le sang.

Mais je devais revoir Besançon dans des conditions tout autres que celles que je viens de décrire.

Rentré au Pénitencier, après s’être lavé le visage à la fontaine du jardin de la Transportation, il raconta son aventure et donna de mon individu des indications si précises qu’on lui dit mon nom en même temps qu’on lui reprochait de s’être jeté sur moi.

— Comment, dit Besançon, c’est à Allemane que j’ai eu affaire !… Eh bien ! tonnerre ! ça ne se passera pas sans que nous buvions ensemble un coup de tafia ; car c’est un vrai zigue, cet Allemane… et moi qui le voulais tuer…

Et Besançon, s’étant mis en quête d’un litre de tafia, reprit le chemin du Marais.

Nous le vîmes apparaître avec un très grand ennui ; n’y pouvant rien, nous résolûmes de l’accueillir de telle façon que l’envie ne le reprît jamais de nous chercher pouille.

Le voici devant nous.

— C’est toi, qui t’appelles Allemane ?

— Que vous importe ; laissez-nous en repos et évitez que les surveillants interviennent, en regagnant au plus tôt votre chantier.

— Il ne s’agit pas de ça ; il s’agit qu’Allemane et Besançon doivent devenir des amis et boire ensemble un coup de tafia. Ce n’est pas pour des prunes que j’ai couru tout le Pénitencier… Allons, mon vieux, tu vas avoir l’honneur d’entamer le litre, car tu es un homme ; nom de Dieu ! mon cou et ma gueule en saignent encore.

— Ce sera pour une autre fois ; aujourd’hui, je refuse de boire, dis-je, moitié sérieux, moitié riant.

— Eh quoi ! on en veut à Besançon ?

— Non, non ; mais regagnez votre chantier ; nous avons le temps de nous revoir.

Et cet homme, qui me voulait tuer un instant auparavant, s’en fut désolé de ce que je venais de lui refuser de boire en sa compagnie.

Je le revis bien des fois depuis, et, toujours, il m’adressa un salut amical. Je devais, deux ans plus