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mémoires d’un communard

termination, notre guetteur rentra prestement au camp et avisa Lambert de l’incident. En hâte, on prit toutes les mesures nécessaires pour qu’aucune trace ne restât des préparatifs déjà faits par nous.

Durant ce temps, le libéré arrivait chez le commandant de l’Ile Nou et demandait à lui faire part d’une affaire aussi grave que pressante. Le sieur Delaplane consentit à l’entendre et apprit qu’une évasion se préparait à la Ferme-Nord.

Des ordres sont aussitôt donnés pour que des surveillants accompagnent le dénonciateur à l’endroit désigné par lui, en môme temps que la Direction était priée d’envoyer une chaloupe à vapeur à la pointe nord de l’Ile Nou pour, le procès-verbal rédigé, s’emparer du côtre et le ramener à Nouméa.

Les surveillants trouvèrent le côtre, constatèrent que rien ne manquait à sa cargaison, qu’aucun larcin n’avait été commis, et, devant l’ordre qui présidait à l’installation intérieure, se demandèrent si, vraiment, ils se trouvaient en présence d’une tentative d’évasion ou d’un accident. Une seule chose paraissait justifier les soupçons : les branches coupées et jetées sur le côtre, ainsi que son demi-atterrissement.

Ces constatations faites, et pendant que deux surveillants demeuraient auprès du bateau, les autres chiourmes et le libéré se rendirent au bureau du chef de la Ferme-Nord pour le mettre au courant de l’incident.

A peine lui eurent-ils exposé de quoi il s’agissait, que le sieur Grévisse entra dans une colère folle :

— Comment ! sale cochon ! dit-il au libéré, qui se mit à trembler, tu vois un côtre amarré sous les palétuviers ; tu te dis, animal, que ce côtre n’est pas tombé des nuages, qu’il a été conduit là en vue d’une évasion et, au lieu de venir m’avertir aussitôt, tu cours au Pénitencier, chez M. le commandant…

« Marcassin de malheur ! non seulement tu passes par-dessus mon autorité, mais ta façon d’agir, en même temps qu’elle constitue un manquement grave à la voie hiérarchique, pouvait permettre aux gredins qui préparaient leur évasion de s’embarquer et, qui sait, de s’échapper.