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mémoires d’un communard

instant, des surveillants entraient dans les cases en jurant, tempêtant, parlant de brûler la cervelle au premier qui bougerait. Au matin, nous fûmes, au nombre de vingt-neuf, appelés à nous mettre sur deux rangs devant une des cases et à étaler tous nos effets devant nous. Ceci fait, Grévisse et ses brutes ordinaires, pendant que les contremaîtres nous fouillaient à nouveau, nous abreuvaient de leurs grossièretés et nous promenaient le canon de leurs revolvers sous le nez.

L’inspection terminée, nous ramassâmes nos pauvres hardes et nous nous préparâmes à partir ; mais nous devions essuyer une dernière bordée d’injures de la part du sieur Grévisse.

— Tas de rossards, communards de malheur ! vous allez à la pointe sud, où on vous attend pour vous soigner ; ça vous apprendra à préparer des évasions. Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne jamais revenir à la ferme, car je me promets de me débarrasser de vous par n’importe quel moyen ; vous entendez, tas de salauds ?…

Et nous partîmes, sans même pouvoir serrer la main aux quelques camarades qui demeuraient à la Ferme-Nord.

Quant au dénonciateur, ainsi que le lui avait promis Grévisse, trente jours de prison le récompensèrent de son zèle vis-à-vis de l’Administration pénitentiaire. 11 eût mieux fait de se taire et de ne s’occuper que de teindre les étoffes qu’on lui confiait.

Nous apprîmes de même que le patron du cotre avait passé la journée et la nuit dans un débit nouméen et que, pendant ce temps, la mer étant devenue houleuse avait fini par rompre l’amarre de son bateau et l’avait mené sous les palétuviers, où nous nous étions proposé de le prendre et, si possible, de le conduire vers une terre plus hospitalière que celle où nous nous morfondions.

C’était une désillusion de plus que je pouvais inscrire à la suite des autres,