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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/344

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des barricades au bagne

peu de temps après, une fausse joie : Fournier me faisait changer de poste. « Quelque désagréable qu’il soit, je le préfère, me disais-je, à celui que j’occupe. »

Comme je connaissais peu mon Fournier !

On me fit descendre au fond de la carrière et, après qu’on eut ordonné à deux condamnés de ne pas me laisser chômer de brouettes pleines, on me chargea de les mener du fond à l’orifice. Mon va-et-vient était incessant, car les deux chargeurs et moi étions placés sous les yeux du surveillant militaire commandant la corvée qui, de sa place, pouvait surveiller toute l’équipe de la carrière.

Le poste était aussi dangereux que fatigant, car l’extraction, mal conduite, provoquait de constants éboulements. On ne comptait guère de semaine où il n’y eut un tué ou plusieurs blessés.

Notre venue devait, malgré le crétinisme de Fournier, modifier quelque peu cet état de choses : sans attendre ses ordres, ni ceux du surveillant, les camarades prirent certaines précautions dont les autres condamnés ne se préoccupaient nullement et, ainsi faisant, non seulement la besogne s’en ressentit, mais on put travailler avec plus de sécurité, surtout au fond de la carrière.

Lorsque, la quantité de chaux étant assez ; considérable, des cotres venaient en prendre livraison, le bon Fournier m’ordonnait de quitter mes brouettes et d’aller remplir les sacs, puis de les rouler jusqu’à l’embarcadère, situé à l’extrémité d’une jetée d’une soixantaine de mètres de longueur.

Or, en dehors delà mise en sacs de la chaux, le roulage jusqu’aux cotres était très fatigant, par suite du bas niveau du four par rapport à celui de la jetée. Cette montée de la brouette nécessitait de très grands efforts de la part d’hommes peu familiarisés avec de tels travaux et nourris d’une façon pitoyable.

En ma compagnie on avait mis un malheureux que la dysenterie, propagée par l’eau saumâtre que nous buvions, ne cessait de ronger.

Ex-sergent-major de la ligne, le jeune citoyen Demphel était venu bravement à la Commune, ce qui lui avait valu de se voir condamner à mort pour désertion devant l’ennemi. On avait, plus tard, commué sa peine en celle des travaux forcés à perpétuité.