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mémoires d’un communard

de chaux gouvernementale et directeur de travaux.

Oh ! les délicieux tapotements que ceux qui parvenaient à nos oreilles lorsque, cote à côte, élève et professeur, aux prises avec les difficultés du clavier, « chaudronnaient » à qui mieux mieux.

Si nos oreilles n’y trouvaient pas toujours leur compte, du moins ces tapotements nous annonçaient que ce dangereux crétin se trouvait devant sa « caisse à son », ainsi que très irrévérencieusement osait s’exprimer un des nôtres, et cela faisait la joie de tous, même de l’autre surveillant militaire, jaloux de la situation de son collègue et mécontent de ses airs de supériorité.

La passion musicale du sieur Fournier n’empêchait nullement les causes de dépérissement de produire leurs néfastes effets ; notre effectif allait en diminuant de plus en plus, et les exigences de Fournier allaient, au contraire, en augmentant : moins d’hommes, mais plus de travail !

Grâce à ces fatigues excessives, à l’eau saumâtre et à la nourriture insuffisante, exécrable, nos rangs s’éclaircissaient, et le Four-à-Chaux méritait de plus en plus son surnom d’Abattoir aux Communards : de vingt-neuf hommes que comptait notre corvée, lors du départ de la Ferme-Nord, il y avait environ trois mois, elle se trouvait réduite à quinze. Quatorze des nôtres étaient ou morts ou dangereusement malades.

Citons, parmi les morts, Adam, Chéron, Latour, Godard, dont les noms nous reviennent à la mémoire.

Les menaces proférées par Grévisse n’avaient pas été paroles en l’air : son collègue Fournier nous avait soignés comme l’Administration pénitentiaire le lui avait sans doute recommandé.

Moins accablés, fort heureusement pour eux, étaient les camarades qui nous avaient précédés au Four-à-Chaux ; occupés à des besognes moins exténuantes, pouvant prendre leur repas à l’heure réglementaire et ne boire qu’exceptionnellement la mauvaise eau qui nous était dévolue, la maladie les avait épargnés, ce qui ne veut pas dire qu’ils fussent heureux, mais, enfin, leur sort était moins misérable que le nôtre. Et puis,