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des barricades au bagne

Fournier, ayant à qui s’en prendre, leur accordait quelque tranquillité.

Je m’étais aperçu que j’étais l’objet d’une surveillance toute spéciale, mais, me refusant à vivre dans une crainte perpétuelle, je ne changeai rien à mes façons de faire. Les ordres mômes, donnés à mon intention à notre surveillant par Fournier, m’étaient une garantie contre ses jésuitiques entreprises.

Un coup de mine avait ébranlé un énorme bloc, mais avait manqué de la force nécessaire pour le précipiter au fond de la carrière. Demeuré suspendu contre la paroi, il menaçait les condamnés travaillant au-dessous, et il était de toute nécessité de le faire choir avant toute autre besogne.

Le surveillant nous ordonna de rester sur le haut du chantier, pendant qu’un des nôtres, ancien matelot, je crois, et deux autres camarades se munissaient d’une pince et de fortes cordes et gagnaient, le faîte de la carrière.

S’emparant de la pince, le premier de nos amis s’avança dans le vide, après que les deux autres, lui ayant passé une corde sous les aisselles, s’arc-boutaient solidement. L’opération n’était pas sans péril, et, surveillant et condamnés nous suivions la manœuvre avec une grande attention. Descendant avec une adresse dont nous étions fiers, notre camarade put s’approcher du bloc et découvrir un point d’appui. Par dix fois il essaya de le déraciner, mais la masse de pierre résistait à ses efforts, que nous encouragions de notre mieux.

Enfin, plus heureux, sa pince mordant au bon endroit, nous le vîmes faire osciller le bloc récalcitrant et, continuant sa pesée, le faire définitivement s’effondrer.

— Bravo ! crièrent les camarades, qui applaudirent notre ami, pendant que, ayant laissé tomber sa pince, il regagnait le haut de la carrière, entraîné, soutenu par les deux hommes qui tenaient la corde.

— Voilà, m’étais-je écrié, un coup de pince de communard ! et, avec plusieurs de mes co-condamnés, j’avais regagné mon poste de travail au fond de la carrière, avant même que le nuage de poussière, soulevé par le bloc, ne se fût entièrement dissipé.

Je n’avais pas remarqué la présence sur le chantier