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des barricades au bagne

campée au Luxembourg et des gardes nationaux de « l’ordre » qui lui prêtaient appui.

La Mairie, l’Ecole de Droit, la Bibliothèque Sainte-Geneviève sont prestement mises en état de défense et dix barricades entourent le Panthéon.

En présence de ces préparatifs, le commandant de la ligne s’émeut ; il demande à parlementer.

Le citoyen Férino et moi nous nous rendons auprès de lui.

— Est-ce des dispositions de combat que vous prenez, Messieurs ? nous demande-t-il.

— Commandant, nous n’ignorons pas que le Luxembourg renferme une brigade qui peut nous attaquer à l’improviste et nous placer entre deux feux. Or, comme vous prétendez garder le Panthéon, nous prenons nos précautions. A la première velléité de votre part, nos hommes tireront sur les vôtres.

— Mais, si je n’interviens pas à temps, vous allez me couper la retraite ?

— C’est chose déjà faite, commandant, et le mieux que vous puissiez faire est de nous céder le Panthéon…

— Jamais ! Vous entendez, jamais ! J’ai reçu l’ordre de garder le Panthéon et je le garderai coûte que coûte.

— A votre aise, commandant ; quant à nous, nous allons parachever nos barricades et porter le gros de nos forces entre vous et la brigade du Luxembourg.

Il s’en fut, maugréant.

Vers quatre heures du soir, quelques soldats firent mine de s’avancer sur la place ; nous leur intimâmes l’ordre de réintégrer le Panthéon, s’ils ne voulaient essuyer le feu des gardes nationaux.

Une demi-heure s’était à peine écoulée que le commandant nous faisait connaître qu’il demandait à capituler.

Ce fut ainsi que, sans qu’il en coûtât une goutte de sang, nous prîmes possession du temple des grands hommes.

Des bruits couraient sur les progrès de l’insurrection. Les généraux Lecomte et Clément-Thomas étaient tombés à Montmartre ; le gouvernement se disposait à quitter Paris. D’autres personnes affirmaient que Vinoy voulait essayer de faire donner la garnison et la police,