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mémoires d’un communard

Je vis alors Billioray. Dès les premiers mots il me regarda, un peu effaré :

— Oh ! citoyen Allemane, ces choses ne peuvent se traiter ici. Venez avec moi. Il me fit parcourir un long couloir et me conduisit dans l’ex-boudoir de Mme Haussmann.

Je dois avouer que, malgré mes préoccupations, je m’amusai fort, durant quelques instants, de me trouver en un tel lieu ; mais comme mon temps était précieux, je revins à l’objet de ma visite et, m’étant assis en face du citoyen Billioray, je lui répétai les quelques paroles échangées et se rapportant à mon intention de tenter un coup d’audace contre Versailles.

— Alors, citoyen Allemane, me dit Billioray, vous allez travailler dans le château même ?…

— Oui, citoyen, et il me sera loisible d’en étudier les êtres, de rechercher les moyens d’y introduire quelques hommes déterminés…

— Parlez plus bas, on pourrait nous entendre.

— En tout cas, citoyen, le danger serait pour moi.

— Je le reconnais volontiers.

J’expliquais ensuite à ce pusillanime personnage quelles étaient mes intentions, puis je pris congé en disant à Billioray :

— Je reviendrai, le plus tôt qu’il me sera possible, vous communiquer le résultat de mes premières investigations ; mais, je vous en prie, dites à vos collègues de hâter la marche sur Versailles… Il faudrait que nous y fussions déjà[1].

— C’est entendu, citoyen Allemane, comptez sur moi, et bonne chance !

Le lendemain, à 8 heures du matin, je prenais le train pour Versailles.

Jamais train ne marcha plus lentement ; à chaque station se tenaient un grand nombre de sergents de ville

  1. On a blâmé la sortie, mais on a oublié de dire qu’elle eut lieu 15 jours après, c’est-à-dire beaucoup trop tard pour une force aussi peu coordonnée que l’était la garde nationale à ce moment.

    Du reste, Thiers l’a avoué : « Sans le concours que me prêtèrent les maires et quelques députés de Paris, lesquels amusèrent, dix jours durant, les gens de l’Hôtel-de-Ville, nous étions perdus. »