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mémoires d’un communard

néfaste Lullier s’était ingénié à renvoyer au gouvernement de Versailles avec la plupart des troupes qui se trouvaient au Luxembourg. On venait de l’arrêter.

J’avais appris, avant de regagner Versailles, qua l’issue d’une séance où Lullier avait menacé les membres du Comité central, ces derniers avaient ordonné son arrestation. Le citoyen Pindy assistait à cette réunion, présidée par Prud’homme.

La foule des réactionnaires acclamait ces nouveaux défenseurs des privilèges bourgeois et faisait fête à leur chef, durant que les musiciens faisaient rage.

Je me dissimulai au sein de cette énorme cohue et j’assistai, le cœur serré, à cette entrée presque triomphale d’un chef militaire et de soldats que Paris pouvait et devait garder.

Ainsi que la plupart des officiers supérieurs qui, à Montmartre ou ailleurs, s’étaient engagés à ne pas combattre contre Paris, afin d’obtenir leur liberté — tels les de Lartet et autres de Poussargues — le colonel Périer reniait sa promesse écrite.

Cependant, comme en ces lignes nous n’entendons accabler que les véritables scélérats, les bourreaux aux ordres de la haute bourgeoisie, nous dirons que le colonel Périer, devenu prévôt au XVIIIe arrondissement, se montra beaucoup moins féroce que la plupart de ses collègues, entre autres le colonel Galle, qui envoya à la mort plus de mille fédérés et transforma en charnier le jardin du Luxembourg par son active collaboration aux assassinats de Cissey, lesquels dépassèrent trois mille.

Mais revenons à Versailles.

La colonne partie, mes amis et moi allâmes prendre notre repas. Je mangeais à la hâte, car je désirais, avant que ne vînt l’heure de l’habituelle besogne, revoir les amis qui devaient coopérer au coup de main. Tous comprenaient qu’il fallait frapper vite et fort si l’on voulait sauver Paris, dont chaque jour d’inaction compromettait davantage l’existence.

Nous envisageâmes la possibilité d’attaquer à la fois l’Assemblée et la Préfecture, en même temps que quelques hommes pénétreraient dans l’hôtel des Réservoirs, où de nombreux députés étaient descendus.

C’était là, dira-t-on, une sublime folie ; oui, sans